Joseph Feisthauer n’est plus à présenter. Ancien professeur de français et d’allemand, il est depuis longtemps un défenseur farouche du platt et des us et coutumes de notre belle région du Bitcherland. Après « Les rendez-vous de papy » en 2001, « Verriers du Pays de Bitche » en 2002, « Et ton dialecte,Frà nz » en 2004, mais aussi de nombreuses pièces de théâtre, il présente un nouvel ouvrage qui s’intitule »Frieher un Heit – Anderi Zèit, à nderi Welt », illustré par François Abel. Joseph nous explique le pourquoi de ce livre qui retrace les changements de vie et de comportements intervenus depuis les années 1950 à nos jours.

Républicain Lorrain : Est-ce un livre de plus consacré au passé, au »bon vieux temps » ?
Joseph Feisthauer : Cet ouvrage est tout sauf une évocation nostalgique. C’est un va-et-vient constant entre le passé et l’époque moderne. L’intérêt de cette confrontation permanente est de montrer comment les gens d’ici ont quitté un univers figé dans ses traditions pour se retrouver dans le monde présent, ouvert à tout ce qu’on appelle le progrès. Le passage du dialecte, langue quasi unique au départ, au bilinguisme actuel, n’est qu’une mutation parmi bien d’autres. Mais il ne s’agit pas non plus d’un récit historique, linéaire. Des proverbes, des expressions courantes d’autrefois, replacés dans leur contexte, traduisent parfaitement les conditions de vie et les mentalités de nos aînés. Il suffit de les confronter à celles qui sont les nôtres, en ce début de troisième millénaire, pour apprécier le chemin parcouru. Un exemple : comment une femme moderne peut-elle se reconnaître dans l’image que lui renvoie celle d’il y a 50 ans, le MLF étant passé par là ! Au fil des dictons on passe ainsi en revue des domaines aussi variés que ceux des travaux, des loisirs, des jeux, des fêtes, de la mode, de la table, de la pratique religieuse, du mariage et bien d’autres….

RL : Pourquoi écrire en deux langues ?
J.F. : Nous vivons dans une région bilingue. La grande majorité des gens passent tous les jours d’une langue à l’autre, selon les circonstances, selon les interlocuteurs. C’est pourquoi le livre porte deux titres. En face de chaque page en platt figure sa traduction française . De toute façon, écrire en dialecte, ce n’est pas nouveau. Dans la région, on écrivait en dialecte et en Hochdeutsch, non seulement jusqu’en 1918, mais bien au-delà , alors que l’Alsace-Moselle était redevenue française . Moi-même, j’ai écrit autant en dialecte qu’en français, et ce depuis plus de 25 ans, dans mes livres et mes pièces de théâtre.

RL : Mais puisque tous vos lecteurs lisent le français, quel est l’intérêt d’écrire aussi en dialecte ?
J.F. : En fait, ce livre couvre une période qui va, en gros, des années 50 à nos jours. Dans les premiers temps, les gens, surtout à la campagne, vivaient uniquement en dialecte. Tout leur univers (maison, outils, paysages, lieux-dits) étaient exprimé en platt, ainsi que leurs sentiments, leurs croyances, leurs chants, leurs plaintes,…Comment ne pas en rendre compte dans cette langue, avec les mots, la musique d’autrefois ?

Lire ces récits, c’est avoir accès au plaisir de la « version originale ». Ils sonnent tellement plus vrai ! C’est le même intérêt, la même curiosité qu’on éprouve à contempler, dans une exposition de photos, les vieux clichés en noir et blanc des temps passés. Mon souhait serait que mon livre puisse favoriser des liens, jeter des ponts, à défaut de combler des fossés. D’abord entre les « non-dialectophones » et les autres, dans la lecture des mêmes histoires, liées à notre terroir commun, mais aussi entre les aînés d’une part, et leurs enfants et petits-enfants, d’autre part, pour que le dialogue et la complicité puissent s’instaurer autour de l’évocation de leurs deux modes de vie, si différents.
Le livre comporte aussi de nombreux dessins de François Abel, un enfant de Goetzenbrück, qui s’est fait un nom dans le monde de la B.D. et de l’illustration en général. Il a croqué avec son crayon et son pinceau, mais surtout grâce à son talent et son humour, des personnages très expressifs, qui renforcent l’esprit malicieux de l’ensemble de l’ouvrage. Le livre sera présenté officiellement à la salle polyvalente de Soucht le lundi 10 décembre à 20 h. Il sera alors disponible, au prix de 20 €,chez l’auteur, au 87A, rue d’Ingwiller 57620-Goetzenbrück,tél. 03 87 96 80 72, à la boulangerie Fuhrmann,rue d’Ingwiller à Goetzenbrück, au bureau de tabac de Soucht, dans les CCM de Soucht, Meisenthal, Goetzenbrück, Saint-Louis, Lemberg, Montbronn et Enchenberg.

photo: Joseph Feisthauer nous présente son nouveau livre « Anderi Zèit, à nderi Welt ! », d’un monde à l’autre, illustré par François Abel.



(source: Jeannot Gaeng pour le Républicain Lorrain)